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En bref
- Les travailleurs de l’Ontario qui ont déjà subi une blessure liée au travail présentent des taux plus élevés de méfaits liés aux opioïdes, notamment des intoxications et des troubles mentaux et du comportement, comparativement à la population générale de l’Ontario.
- Ces résultats suggèrent que les blessures liées au travail jouent un rôle dans l’augmentation du risque de méfaits associés aux opioïdes.
Pourquoi a-t-on fait cette étude?
L’Amérique du Nord continue d’être aux prises avec une crise des opioïdes. Entre janvier 2016 et juin 2023, le Canada a enregistré plus de 40 000 décès liés aux opioïdes, et les États-Unis en ont enregistré environ 500 000 (Disponible en anglais seulement). Entre 20 et 40 pour cent de ces décès sont survenus chez des adultes qui travaillent, ce qui amène les chercheurs à chercher à savoir si les facteurs associés au lieu de travail peuvent jouer un rôle. Les blessures liées au travail ont été suggérées comme un facteur de risque potentiel, car les travailleurs blessés peuvent utiliser des opioïdes pour faire face à leurs symptômes. Cependant, peu d’études ont examiné officiellement cette relation entre les blessures du travail et les méfaits liés aux opioïdes.
Comment cette étude a-t-elle été effectuée?
Dans le cadre de cette étude, les chercheurs ont examiné les méfaits liés aux opioïdes chez un grand groupe de travailleurs ontariens qui avaient déjà subi une blessure ou une maladie liée au travail. Les méfaits identifiés dans cette étude comprenaient des intoxications, souvent appelées surdoses, et des troubles mentaux et du comportement (par exemple, syndrome de dépendance ou état de sevrage).
Le groupe de travailleurs dans le cadre de cette étude provient du Système de surveillance des maladies professionnelles (SSMP). Les données du SSMP sur 1,7 million de travailleurs de l’Ontario qui ont reçu une demande d’indemnisation pour perte de temps de travail acceptée pour une blessure ou une maladie professionnelle entre 1983 et 2019 ont été utilisées pour cette étude. Ces données sur l’indemnisation des travailleurs ont été recueillies à partir des dossiers de la Commission de la sécurité professionnelle et de l’assurance contre les accidents du travail (CSPAAT). Les données comprennent la profession et l’industrie d’un travailleur au moment où il a subi une blessure ou une maladie liée au travail. Cette information a été reliée aux données sur les soins de santé pour déterminer les hospitalisations et les visites aux services d’urgence pour les méfaits liés aux opioïdes qui se sont produits de 2006 à 2020.
L’équipe a examiné si le nombre de méfaits liés aux opioïdes chez ce groupe de travailleurs était similaire à ce à quoi on s’attendrait si ces travailleurs subissaient le même taux de méfaits liés aux opioïdes que les personnes de la population générale de l’Ontario âgées de 15 à 65 ans.
Pour ce faire, ils ont enregistré le nombre d’intoxications liées aux opioïdes et de troubles mentaux et du comportement survenus chez les travailleurs entre 2006 et 2020, ainsi que la durée pendant laquelle chaque travailleur a été observé au cours de cette période. Les personnes sont entrées dans le SSMP lorsque leurs premières demandes d'indemnisation pour perte de temps de travail sont acceptées. Elles ont été suivies jusqu’à ce qu’elles aient subi le méfait lié aux opioïdes ou jusqu’à ce qu’elles décèdent, quittent l’Ontario, atteignent l’âge de la retraite (65 ans) ou que la période de suivi se termine (en 2020).
Les taux de méfaits dans la population générale au cours de la même période (2006-2020) ont été calculés à l’aide de données de l’IRSS (précédemment Institut de recherche en services de santé), qui comprenaient de 9 à 10 millions d’Ontariens dans chaque année de collecte de données.
Qu’ont trouvé les chercheurs?
Comparativement à la population générale, entre 2006 et 2020, les intoxications liées aux opioïdes et les troubles mentaux et du comportement étaient plus susceptibles de se produire parmi le groupe des travailleurs qui ont subi une blessure ou une maladie liée au travail. Dans le cas des intoxications liées aux opioïdes, le risque de consultation aux urgences était 2,4 fois plus élevé et le risque d’hospitalisation 1,5 fois plus élevé que dans la population générale.
Dans le cas des troubles mentaux et du comportement liés aux opioïdes, le risque de consultation aux urgences était presque deux fois plus élevé et le risque d’hospitalisation 1,4 fois plus élevé chez ce groupe de travailleurs que dans la population générale.
Toutes les industries et presque tous les groupes professionnels du SSMP présentaient des risques élevés d’intoxication liée aux opioïdes. Comparativement à la population générale, les visites aux services d’urgence pour les intoxications chez ces travailleurs étaient plus de trois fois plus élevées pour les travailleurs de la construction, 2,8 fois plus élevées dans la manutention des matériaux, 2,7 fois plus élevées dans le traitement des minéraux, des métaux ou des produits chimiques, et 2,6 fois plus élevées dans l’usinage. Les hospitalisations étaient deux fois plus élevées pour les travailleurs du traitement et presque deux fois plus élevées pour les travailleurs des professions de la construction et de l’opération d'équipements de transport, entre autres.
Comme pour les intoxications, toutes les industries et presque tous les groupes professionnels du SSMP présentaient des risques plus élevés de troubles mentaux et du comportement liés aux opioïdes que la population générale. Les visites aux services d’urgence étaient 2,7 fois plus élevées pour la manutention des matériaux, 2,5 fois plus élevées pour la construction et deux fois plus élevées pour les professions agricoles, de traitement et de l’usinage. Les hospitalisations ont été deux fois plus élevées dans la construction et 1,6 fois plus élevées dans le traitement et la manutention des matériaux.
Quelles sont les conséquences de l’étude?
Ces constatations fournissent des preuves supplémentaires que les blessures liées au travail sont un facteur de risque pour les méfaits liés aux opioïdes et, à ce titre, elles soulignent la nécessité de prévenir les blessures. Les travailleurs peuvent être plus vulnérables aux méfaits liés aux opioïdes après une blessure liée au travail en raison de divers défis auxquels ils peuvent faire face, notamment la pression pour retourner au travail ou le manque de mesures d’adaptation appropriées en milieu de travail pour leur état. Ces défis et d’autres peuvent augmenter la probabilité que les travailleurs blessés utilisent des opioïdes pour gérer leur douleur, qui pourrait persister longtemps après que la blessure s’est produite (Disponible en anglais seulement).
Après une blessure, d’autres stratégies visant à prévenir l’incapacité de travail et l’utilisation à long terme d’opioïdes peuvent comprendre la prudence lors de la prescription d’opioïdes, l’amélioration de l’accès des travailleurs à des traitements non opioïdes et à des soutiens en santé mentale, ainsi que la prestation de soutiens robustes pour aider les travailleurs blessés à se rétablir et à retourner au travail.
Cette étude a également montré que les travailleurs de certaines industries et professions peuvent être particulièrement à risque de méfaits liés aux opioïdes.
Quels sont certains des points forts et des faiblesses de l’étude?
Cette étude est l’une des rares à examiner le rôle des blessures liées au travail dans les méfaits liés aux opioïdes et à examiner plus en profondeur ces données par industrie et par profession dans un grand groupe de travailleurs. De plus, bien que la plupart des recherches sur ce sujet aient porté sur les décès liés aux opioïdes, cette recherche élargit la portée pour inclure les visites aux services d’urgence et les hospitalisations.
Une des limites de cette étude est qu’elle ne comprend que les travailleurs qui ont eu une demande d’indemnisation acceptée pour perte de temps. (Ne sont pas inclus dans le SSMP : les travailleurs qui avaient des demandes d’indemnisation des travailleurs sans interruption de travail; les travailleurs qui avaient des blessures et des maladies liées au travail qui n’avaient pas présenté de demande d’indemnisation ou ceux dont les demandes d’indemnisation avaient été rejetées; et les travailleurs qui n’étaient pas couverts par la CSPAAT.) Une autre limite de cette étude est que les cas de méfaits liés aux opioïdes peuvent ne pas avoir été identifiés si les travailleurs ne sont pas allés à l’hôpital.
De plus, comme les professions des travailleurs ont été consignées au moment où ils ont déposé la demande d’indemnisation qui les a amenés au SSMP, les renseignements sur la profession et l’industrie peuvent ne pas saisir avec précision les renseignements sur la profession au moment du méfait, par exemple, si les travailleurs changent d’emploi par la suite.
Article de journal connexe
Carnide N, Feng G, Song C, Demers PA, MacLeod JS, Sritharan J. Occupational patterns of opioid-related harms comparing a cohort of formerly injured workers to the general population in Ontario, Canada. Revue canadienne de santé publique. 2024 avril 24. doi: 10.17269/s41997-024-00882-w. Publié en ligne avant l'impression.
Remerciements
Cette étude est une collaboration entre l’Institute for Work & Health et l’Occupational Cancer Research Centre de Santé Ontario.
Ce projet a été rendu possible grâce au financement de l’Agence de la santé publique du Canada (2021-HQ-000092). Les opinions exprimées dans le présent résumé ne représentent pas nécessairement celles de l’Agence de la santé publique du Canada. Le Système de surveillance des maladies professionnelles (SSMP) est appuyé par la Commission de la sécurité professionnelle et de l’assurance contre les accidents du travail (CSPAAT) et est financé conjointement par le ministère du Travail, de l’Immigration, de la Formation et du Développement des compétences de l’Ontario (MTIFDC) et le ministère de la Santé de l’Ontario (MSO). Le SSMP a précédemment reçu un financement de l’Agence de la santé publique du Canada.